Daniel Johnston s’est peut être éteint mais il demeure ce phare dans l’obscurité de la vie, brillant avec plus d’intensité que jamais, irradiant de tout son être. Un artiste entier, généreux et bouleversant qui aura donné à la différence toutes ses lettres de noblesse, la rendant plus universelle que jamais.
Listen up and I’ll tell a story
About an artist growin’ old
Some would try for fame and glory
Others like to watch the world
Schizophrène et bipolaire à une époque où les électrochocs faisaient des ravages, où les traitements se cumulaient dans un floue constant, Daniel a traversé l’Enfer dans toute sa folie. Aux Etats-Unis, alors pays de bien des extrêmes, pays lui même schizophrène, nourri par Mc Donald entre autre, Daniel trouvera notamment refuge dans les Beatles et dans les comics dont on connaît le manichéisme. Affrontant bien des démons de part son équilibre mental toujours sur la brèche, inspiré par son environnement le plus proche, visible ou invisible, il fera de ce perpétuel chaos une œuvre sans pareil, brute, et dont la profonde sincérité devait indubitablement finir par trouver son auditoire.
But how can it recognize you
If you don’t step out into the light, the light
Don’t be sad I know you will
Don’t give up until
True love will find you in the end
Toujours dans la bricole, toujours productif, jouant des instruments avec une maitrise technique approximative mais un sens de la mélodie incroyable, chantant avec une voix émotionnellement puissante, dessinant de la même manière, faisant fie des normes, il est devenu un artiste incontournable à bien des égards.
Une partie de sa notoriété s’est faite en enregistrant quantité de cassettes sur un pauvre magnétophone, les illustrant de sa propre main et les disséminant dans les boites aux lettres d’Austin ou les passant de main à main. Cette démarche inhabituelle lui vaudra le statut de pape du « Do it yourself ». Il a montré aux uns et aux autres qu’il existe toujours une voie d’expression possible, qu’importe la marge qui est la notre, il suffit d’en avoir dans les tripes.
Time is a matter of fact
And it’s gone and it’ll never come back
And mine, it’s wasted all the time
Tears, stupid tears, bring me down
Puis de part ses réalisations toujours aux prises des maladies qui furent les siennes, de certains dérapages psychotiques remarqués (il a notamment crashé un avion en se prenant pour Casper le gentil fantôme), des rencontres comme celles avec les Butthole Surfers aux conséquences improbables, une notoriété propulsée par un Kurt Cobain qui arbora un jour l’un de ses t-shirts sur une photo devenue culte, peu à peu le mythe s’est construit. Il est devenu l’outsider le plus talentueux, l’illuminé le plus touchant, l’être humain le plus humain. Il incarnait la pureté et l’innocence, il dégageait ce quelque chose qui vous transperce instantanément le cœur sans ne plus jamais vous quitter.
I was livin’ in a devil town
Didn’t know it was a devil town
Oh lord it really brings me down
About the devil town
And all my friends were vampires
Didn’t know they were vampires
Se plonger dans tout ce qu’a pu réaliser Daniel Johnston c’est accepter la vulnérabilité inhérente à la condition humaine, c’est se laisser surprendre à pleurer pour la beauté simple des choses de la vie telles l’amour, la mort ou l’étrangeté du monde. Quel album écouter diront certains ? Tous, bien sur. Tellement de titres fabuleux ! Par quels dessins commencer ? Tous, bien sur. Tellement de magie dans ses traits ! Un seul conseil peut être, voyez le superbe documentaire « The devil and Daniel Johnston », il est probablement la meilleure porte d’entrée dans cet univers foisonnant.
Don’t want to be free of hope
And I’m at the end of my rope
It’s so tough just to be alive
When I feel like the living dead
Le 11 septembre 2019 aura mi le cœur en miettes à plus d’un, moi le premier, mais je sais déjà avec quoi je vais me soigner, avec la musique de Daniel Johnston qui recèle toute la beauté nécessaire à panser cette plaie, aussi béante soit elle, que nous inflige sa mort. Aucun merci ne suffira mais qu’importe : merci Daniel d’avoir été là pour nous, les égarés de la vie, et pour tous les autres.
Jocelyn H.