Artisans-dépoussiéreurs du modèle esthétique des années 80 naissantes, fer de lance du label Born Bad Records, Frustration avance, depuis près de quinze ans, sans complexe, et n’a que faire des critiques des ayatollahs qui veulent imposer un copyright sur l’héritage cold-wave.
Le troisième album du quintet parisien ne renie rien de la présence posthume de Warsaw/Joy Division, de ses dogmes et de sa tension glaciale, de l’influence des lignes de basses mélodieuses de Peter Hook (‘Empires of Shame’, ‘Excess’), de la batterie métronomique mancunienne (‘Cause You Ran Away’), au clavier dissonant (‘Mother Earth In Rags’). Impossible non plus de ne pas penser à Ian Curtis lorsque Fabrice Gilbert use de sa voix caverneuse et lugubre. On se laisse vite abuser et porter par la ballade folk de ‘Arrows Of Arrogance’ sur laquelle la voix d’outre-tombe de Fabrice Gilbert se pose avec humilité et conviction.
Une chose est certaine, on succombe vite à l’excitation naturelle de ces compositions simples (couplet, refrain, pont, couplet, refrain,…) et non simplistes, à l’efficacité foudroyante de l’ensemble.
Empires of Shame est un album rageur, presque sociopathe, fricotant parfois avec le punk des Buzzcocks (‘Dreams Laws rights and Duties, ‘Even with the Pills’) et des Dead Boys (‘Just wanna hide’). L’atmosphère d’ Empires of Shame est bien celle que l’on attendait, celle d’un groupe obstiné qui a trouvé sa voie et ne veut plus la quitter. Rares sont les formations qui peuvent prétendre à telle cohérence.
Parce qu’ils livrent un show hargneux et tendu, les cinq membres forment un prodigieux groupe de scène, aidé en cela par l’arrogance scénique de son chanteur.
Les précédents disques (‘Relax’et ‘Uncivilized’, et l’EP Full of Sorrow) avaient déjà conquis le cœur de tous les quadras et quinquas, et de disques en disques, de concerts en concerts, la fan base s’élargit et rajeunit. Une des explications à tout ça : Frustration fournit aux nostalgiques une version contemporaine décente de ce qu’ils ont toujours recherché.
Hervé